Dossier

Big Bang Schtroumpf : la Genèse (déjà) mouvementée de Walygator Grand Est

Revivez l'histoire des débuts de Walygator Grand Est !

Big Bang Schtroumpf, Walibi Schtroumpf, Walibi Lorraine, Walygator Parc, Walygator, Walygator Grand Est… l’histoire du parc situé à Maizières-lès-Metz en Moselle est à l’image de la succession effrénée de ses changements noms : riche en rebondissements. Avec la complicité de Waly’Gazette, retour sur la Genèse (déjà) mouvementée de Walygator Grand Est.

Été 1983. Didier Brennemann, un commerçant mosellan, se rend à Europa-Park. Le système de photographie installé sur le Flume y retient toute son attention. Avec son ami du métier Gérard Kleinberg, ils se mettent alors en quête d’une concession photo à exploiter dans un parc existant. Sans succès, ils décident tout bonnement de créer leur propre parc d’attractions.

Parallèlement, la sidérurgie, qui a Iongtemps fait vivre la région, est en déclin et il faut trouver ce qui pourra succéder à cette industrie : le duo saute sur l’occasion et sollicite la SOLODEV, la société de développement de la sidérurgie en charge de la transition forcée de ce secteur économique. Après avoir essuyé un premier refus, Brennemann et Kleinberg s’entourent de plusieurs amis (un directeur de banque, un ingénieur, un expert-comptable et un avocat), créent une association et soumettent à nouveau leur projet qui parviendra cette fois à séduire.

Au cours d’une visite au parc Magic Kingdom d’Orlando, Brennemann et Kleinberg font la connaissance de I’un des architectes du parc Disneyland. Ce dernier a justement prévu un voyage en Europe et accepte de venir étudier leur projet. Un emplacement est proposé aux deux Lorrains et une première esquisse voit le jour.

Le choix des Schtroumpfs se fait assez rapidement. Leur créateur, Peyo, est contacté et, emballé par le projet, accorde la gratuité de la licence pour cinq ans. De nombreuses études sont ensuite menées et le projet est présenté au grand public avec en point d’orgue un passage, maquette à l’appui, au JT de TF1.

Suite à différentes études, les plans initiaux doivent subir quelques ajustements. Il était notamment question de réutiliser certaines structures des anciens laminoirs pour proposer des espaces intérieures, mais cette idée sera rejetée par un rapport d’expert. Le projet est également jugé trop onéreux (600 millions de Francs) et un nouvel emplacement (l’actuel) est choisi, plus près de I’autoroute et des voies ferrées.

La société SOREPARK est créée et de gros groupes rentrent au capital tels que ADILOR, Bouygues, Sodexho, CIC, Suez ou encore Paribas. Suite à l’élection présidentielle de 1986, Pierre Jullien, Secrétaire Général de la sidérurgie, perd son poste et s’intéresse de plus près au projet. C’est alors qu’en Juin 1986, le conseil d’administration de SOREPARK demande à ce que Pierre Jullien remplace Brennemann à la tête de la société. Oui, mais voilà, Jullien a une toute autre ambition : créer un centre culturel européen. Un ultimatum est posé au duo initial : soit ils suivent la nouvelle vision de Jullien, soit ils quittent la société. Les deux hommes vont profiter de cette période de flottement pour aller se former aux USA où ils passeront par tous les postes d’un parc de loisirs : de l’entretien à la maintenance, en passant par la restauration. Ils reviendront aussi avec pas moins de 25 kg de documentation et, fort de leur expérience, décideront de reprendre I’aventure.

Les attractions sont alors tour à tour choisies par Brennemann. Si le Wooden Coaster Anaconda s’impose comme une évidence, le Looper Vekoma, Comet Space, résulte davantage d’une opportunité.

Fun Fact : Anaconda fut le premier Wooden Coaster de France (et ne sera rejoint qu’en 1997 par Tonnerre de Zeus au Parc Astérix). C’était également, à son ouverture, la plus haute montagne russe en bois d’Europe (avant d’être dépassé par Colossos d’Heide Park en 2001). Il n’en demeure pas moins que ses 36 mètres de haut classe Anaconda comme le plus haut coaster en bois de France, le cinquième d’Europe et le dix-septième du monde.

Plusieurs attractions Zamperla et Mack Rides sont aussi commandées ainsi que Sismic Panic, un simulateur de tremblements de terre imaginé par une société spécialisée dans la construction de plateformes pétrolières. Malheureusement, la construction de certaines attractions phares comme Anaconda ou Odyssea (un Raft) est déléguée à des sociétés non-spécialisées comme SPIE ou Alstom suite à des accords entre Jullien et celles-ci, ce qui explique certainement certains défauts de conceptions constatés ici et là dans le parc et qui sont malheureusement parfois encore d’actualité…

Trois salles de grande capacité sont également construites : Xanadu, un cinéma Showscan, Metamorphoses, qui accueille alors un spectacle de cascades à moto réalisées par Rémy Julienne, et enfin ll Theatro, le plus gros bâtiment du parc qui propose un show nommé La nuit des Géants. Trois productions à très gros budget.

Pierre Jullien enchaîne les décisions douteuses comme la création de bureaux disproportionnés qui feront d’ailleurs dire à Roland Mack, stupéfait de toute cette démesure : « Vous allez en mourir ! ». Estimant que cela collait davantage à sa vision d’un centre culturel européen, Jullien transforme aussi Le Nouveau Monde des Schtroumpfs en Big Bang Schtroumpf et réduit la présence des gnomes bleus à une balade en bateaux ainsi qu’à un village pour enfants, ce qui ne sera pas du goût de Peyo et de son entourage à qui l’on avait initialement promis un parc 100% Schtroumpfs… Le dessinateur le fera savoir en remettant en cause la gratuité des droits accordée précédemment.

Malgré tout, la présentation au public sous un dôme situé sur le parking du futur parc attire près de 40.000 personnes, occasionnant même de gros embouteillages et démontrant le réel intérêt de la population.

Fun Fact : Preuve d’un amateurisme déconcertant, pour la campagne de communication à destination du marché allemand, le slogan initial du parc, à savoir « On y va pour être ailleurs », sera maladroitement traduit par « À peine tu arrives, déjà tu te tires ! ». Suite aux protestations véhémentes du duo instigateur, ces derniers seront exclus du comité de direction et la campagne sera tout de même validée !

L’inauguration du parc Big Bang Schtroumpf aura lieu le 6 Avril 1989 en présence d’anciens employés de la sidérurgie et de plusieurs notables parisiens conviés à grands frais par Pierre Jullien. Le parc n’était pas terminé, mais son inauguration a été forcée par des accords financiers entre Jullien et les actionnaires.

Fun Fact : Pour cette ouverture, Brennemann et  Kleinberg proposèrent une émission télévisée avec quelques séquences tournées en amont dans le parc et éventuellement quelques directs en cas de météo favorable. Jullien préféra opter pour une émission entièrement en direct qui ne put se faire à cause d’un gros orage. Jullien organisa par ailleurs un concert regroupant une douzaine de vedettes de I’époque comme Patricia Kaas ou Richard Anthony : nouveau coup d’épée dans I’eau puisque, malgré tous les moyens déployés, le succès ne fut pas au rendez-vous et certaines zones du parc durent même être fermées pour regrouper les visiteurs près de la scène…

Le parc aura coûté la bagatelle de 560 millions de francs, ou même 720 millions si l’on inclut l’échangeur autoroutier, une somme bien proche des 600 millions de francs nécessaires à la réalisation du projet initial…

Au cours de l’été 1989, alors que le parc vit sa première saison, sa situation financière est déjà très préoccupante : on enregistre des pertes estimées à 200 millions de Francs pour pas plus de chiffre d’affaires. Il faut dire que la démesure est le mot d’ordre, comme en témoignent les quelques 600 employés permanents sous contrat ! Les actionnaires sont alors réunis à Paris, sans le PDG, Pierre Jullien. Le discours est alarmiste et un audit interne est commandité par certains de ces actionnaires. Le résultat de cet audit est sans appel : il faut licencier le PDG jugé incompétent. Pierre Jullien ne l’entend pas de cette oreille et menace de priver la société d’une subvention importance s’il n’est pas maintenu à son poste. II y est ainsi maintenu par 529 des voix suite à un vote des actionnaires. Brennemann et Kleinberg quittent le navire quinze jours plus tard, faisant partie d’une vague de licenciements économiques. 700.000 visiteurs franchissent les grilles de Big Bang Schtroumpf cette année-là, au lieu des 1.800.000 espérés…

Décembre 1989. Lors de l’AG de Ia société, Pierre Jullien demande aux actionnaires de souscrire à  une augmentation de capital pour assurer la survie du parc. Contrairement aux prévisions, cette augmentation de capital fut consentie par la sidérurgie, privant ainsi Brennemann d’un possible retour à la direction du parc.

Comme pressenti, la gestion calamiteuse du parc ne permettra pas sa survie à l’issue de la deuxième saison. Nous sommes le 26 Octobre 1990 et Big Bang Schtroumpf dépose (déjà) le bilan. La saison 1990 fut encore plus catastrophique que la précédente avec seulement 380.000 visiteurs.

Plusieurs acheteurs potentiels se font alors connaître pour reprendre le site, dont Eddy Meeùs (fondateur du groupe Walibi), un groupe d’investisseurs luxembourgeois et… Roland Mack ! Ce dernier propose à Brennemann de reprendre la direction du parc en cas de rachat, mais cela lui est refusé par crainte d’une stratégie de « contrôle » visant à freiner le développement de Big Bang Schtroumpf pour laisser le champ libre à Europa-Park. C’est ainsi la proposition d’Eddy Meeùs qui est retenue. Le parc est cédé pour 55 millions de Francs et ouvre sous la bannière Walibi Schtroumpf en 1991. Mais ça, c’est une autre histoire…


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